La première fois que l’on nous a proposé une interview de Max Cavalera, aussi étonnant que cela puisse paraître, on avait dit « non ». On est bête hein? Peut-être mais à ce moment on ne sentait pas d’aller lui dire qu’on n’aimait pas Prophecy. Et on a bien fait d’attendre car il y a eu ensuite Dark Ages. Du coup, on s’est dit que ce coup là on ne le raterait pas… façon de parler bien entendu 😉

Soulfly - Dark Ages

NicKo: Toi qui prône toujours la « positive attitude » malgré des thèmes pas toujours joyeux, pourquoi avoir choisit de faire un album résolument plus sombre?
Max: La musique… mon art… a des phases. Pour Prophecy, j’avais la sensation d’avoir un truc… neuf. C’est un des disques de Soulfly dont je suis le plus fier, je le trouve très abouti. Mais j’ai pensé que je pourrais continuer sur la vibe de Prophecy, d’approfondir ce que j’avais commencé et c’est comme ça qu’est né Dark Ages. Dark Ages et Prophecy sont connectés en quelque sorte. Pour moi ces deux disques ont plus de sens ensemble que… par exemple Dark Ages et Primitive. Sans parler de leurs contenus, l’image qu’ils donnent est différente. Dark Ages est noir alors que Primitive a des couleurs, il est jaune rouge… il est plus jamaïcain (sourire).
NicKo: Tu parlais de Prophecy, tu ne trouves pas qu’il est le parfait opposé de Dark Ages?
Max: tu trouves?
NicKo: Et bien quand j’ai vu le visuel et qu’ensuite je l’ai écouté, c’est l’impression que ça m’a donné.
Max: Vraiment? Pour moi Prophecy est plus sombre que Dark Ages sous certains aspects, il a un côté mystique. La chose que je préfère dans Prophecy, à part Moses qui est très expérimentale, est Living Sacrifice. C’est peut-être une de mes chansons préférées parmi toutes celles que j’ai pu écrire, de même Prophecy. Et je trouve que Babylon et Prophecy se répondent d’un album sur l’autre. La façon dont elles débutent, leur refrain.

Il se met à chantonner le refrain de Prophecy avant d’enchaîner sur celui de Babylon.

Elles sont très similaires. Mais je ne les vois pas comme des opposés… ou peut-être alors de Primitive (rires).

NicKo: Tu parlais de l’artwork, là encore tu tranches avec les autres albums de Soulfly. Ma question est évidente: pourquoi? Pourquoi le crâne et tous les trucs autour? Ca change du Soulfly que l’on connait.
Max: J’ai eu lidée en rencontrant Michael Whelan pour la première fois. J’ai travaillé avec lui pendant 10 ans avec Sepultura mais je ne l’avais jamais rencontré, on se parlait toujours au téléphone. Et l’an dernier il est venu me voir en concert à New-York. J’ai eu un coup de téléphone du label qui me disait « Michael Whelan vient à ton concert » et j’étais là « WHAOW that’s fucking cool Michael Whelan is coming to the show ». Il est venu me voir après le concert, on a parlé et c’est un de ces moments tu vois… où… (il cherche ses mots) il se passe un truc spécial entre 2 personnes. Et je lui ai dit « mec faut que tu me fasses un artwork pour le prochain album de Soulfly ». Et il m’a dit « OK! Je n’osais pas te le demander. Je suis Soulfly depuis le début et j’en avais très envie. J’adore ton dernier album Prophecy. » On n’avait pas bossé ensemble depuis 10 ans et il me dit ça… Je me suis dis « ok go fot it »!
On a bossé ensemble de manière très proche. Tu vois, il n’est pas graphiste, c’est plus un peintre. Il m’a envoyé une dizaine de ses oeuvres mais je n’ai rien trouvé qui m’accroche vraiment. Je lui ai envoyé quelques morceaux pour qu’il s’imprègne du truc. Il m’a renvoyé encore des toiles, que j’ai beaucoup aimé, mais sans avoir trouvé l’artwork que je voulais. Et puis j’ai regardé un de ses bouquins que j’ai à la maison, qui datait de l’époque de Sepultura. Je me souviens que j’avais flashé sur un de ses dessins qui s’appelle « Apotheosis Of War ». Je l’ai regardé… tout en noir et blanc… il avait un look métal mais aussi hardcore… exactement ce que je voulais mettre dans mon disque. Et j’ai retrouvé tout ce qui fait Soulfly dans cette oeuvre: les ailes, les cornes… Donc je l’ai appellé et je lui ai dis « et si on prenait Apotheosis Of War »? Il m’a dit « ok ».
NicKo: Est-ce que c’est le même gars qui a fait la cover d’Arise?
Max: Oui
NicKo: C’est ce que je me suis dit.
Max: Mais j’ai retravaillé le dessin afin qu’il soit exclusif. Pour Arise, le dessin original est un oeuf, j’ai fait un cerveau. Pour Roots, c’était un billet de banque, j’en ai fais un indien, pour Dark Ages c’était un diable et je l’ai transformé en une sorte de guerrier inspiré par Gladiator. J’y ai mis une touche personnelle tout en gardant la vibe originale.

NicKo: Si tu devais décrire Dark Ages en 3 mots… lesquels choisirais-tu?
Max: (il rit) je me suis fais faire un tshirt… et dessus j’ai fais écrire « fuck art let’s kill ». Dark Ages est fait de ça. Oublions les conneries artistiques et allons droit au but.

NicKo: Partant de ça, vois-tu en Dark Ages l’album de la maturité pour Soulfly?
Max: je n’en sais rien. (silence) D’après les retours que j’ai sur le disque, on me dit que c’est vraiment plus abouti que les précédents. Dans certains titres, je suis parti dans un trip « back to the basics ». Je pense avoir mieux intégré les éléments de world music. En tant que producteur, oui je pense que c’est le plus abouti, c’est vraiment le son que j’aime.
NicKo: Pour moi il est quelque part entre Chaos AD et Roots niveau sonore.
Max: Oui… mais je pense que niveau son il est plus accrocheur. A chaque écoute tu découvres quelque chose. Ce n’est pas comme Slayer qui est toujours plus ou moins pareil. Soulfly a le côté brutal de Slayer mais a aussi le côté expérimental de Pink Floyd…. enfin tu vois (rires).

NicKo: Un truc qui me travaille depuis le premier album. Pourquoi une « soulfly song »? Et pourquoi en faire une sur chaque disque?
Max: C’est une marque de reconnaissance. Il y a des différentes choses qui composent Soulfly mais dans chacune de ces chansons, je concentre tout ce qui est récurrent. Le coeur, l’esprit de Soulfly. Et je le fais aussi par intégrité car quand tu fais de la musique, souvent tu perds ton intégrité. Tu peux un album qui va tout casser mais qui n’est pas intègre. Et l’intégrité pour moi est très importante, autant que la créativité et pour moi Soulfly est 50% créativité/50% intégrité. C’est pour ça qu’il est important qu’il y ait des « soufly song », des « Dana song ». Et sur chacune de ces chansons je chante de la même manière car… c’est vraiment ce qui me touche le plus, ce qui compte le plus.

NicKo: Je change de registre… pour Soulfly tu as toujours choisi de très bons musiciens. Qu’est-ce qui t’as poussé à choisir Bobby et Mark?
Max: Je ne les ai pas vraiment choisi. Je ne savais pas grand chose de Mark. Je l’avais croisé quelques fois sans trop savoir ce qu’il faisait. Et puis un jour je me suis penché dessus d’un peu plus près et là j’ai tilté! Il a tout ce que je cherche dans un guitariste. Il peut tout jouer! Agressif, en shred, mélodique, il sait tout faire. Aller de Jimmy Hendrix à U2 sans que ça choque personne. Lui et moi sommes très proche. Il est né le même jour que mon fils, on partage beaucoup de choses, on a pas mal de goût en commun.
NicKo: Tu penses que cette proximité est due au fait que vous avez tous les 2 des origines latines?
Max: Je pense oui. On ne se connait que depuis 2 ans mais j’ai l’impression qu’on a toujours été ensemble. Je déteste dire ce genre de choses car j’espère jouer avec lui encore très longtemps, mais si un jour on devait se séparer… ça laisserait un grand vide pour moi. Pour te dire à quel point il m’apporte quelque chose: j’ai hâte d’enregistrer le prochain album. On est déjà en train d’écrire.
NicKo: déjà?
Max: Oui, on bricole des trucs chacun de notre côté.

NicKo: Tu fais une apparition remarquée sur l’album Roadrunner United. Que penses-tu apporter à ce disque en dehors de ton nom?.
Max: La condition que j’ai posé pour participer à ce disque était de ne pas être mis en avant. On m’a proposé de composer des titres mais j’ai refusé. Tout ce que je voulais faire sur ce disque était d’écrire des paroles très fortes et les chanter à ma manière, rien de plus. Et tout le monde a dit « ok ».
Je pense que cette chanson m’a permis, comme Roadrunner l’a fait avec moi, d’être « the voice of the voiceless ». RR m’a donné une chance, une chance d’être connu partout dans le monde. Et pour moi cette chanson est un tribute à la relation que j’ai avec Roadrunner et avec les fans. « Fuck business Fuck politics Fuck all that shit » C’était mon état d’esprit quand j’ai débuté et j’ai voulu le retranscire dans cette chanson.

Max Cavalera

Max Cavalera

NicKo: Tu sembles vraiment beaucoup aimer Roadrunner… ce qui n’est pas toujours le cas de tout le monde.
Max: Oui! C’est d’ailleurs assez étrange… Mon contrat avec eux est terminé, Dark Ages est le dernier album que je devais faire pour eux. C’est étrange, je suis libre, je peux aller partout.
(silence)
Mais en vérité je ne sais pas ce que je vais faire. J’aimerais rester chez Roadrunner. J’en ai vraiment envie. Je ne me sens pas d’aller ailleurs… mais mon contrat est fini. Et c’était un contrat sacrément long… il incluait des albums de Sepultura aussi… ça a bien du duré 15 ans au moins. J’espère vraiment avoir de nouveau un contrat avec eux.

NicKo: Tu bosses souvent avec différents artistes sur tes disques. Penses-tu un jour sortir un album de reprises avec des invités « de luxe »?
Max: Ho oui j’aimerais vraiment! J’ai juste besoin d’attendre le bon moment. Le faire comme j’ai envie qu’il soit et pas comme tout le monde voudrait qu’il soit. Je voudrais faire quelque chose de spécial, faitre autre chose qu’un simple album de reprises seulement pour le moment… je ne sais pas comment je dois le faire. Je dois y réfléchir. Comment dois-je faire pour que cet album soit différent de ce que les autres ont pu faire? Mais j’aimerais vraiment beaucoup, j’adore faire des reprises. Dark Ages n’a pas de reprises car les reprises que je voulais faire… je les ai faites après. J’en ai fait une avec Prodigy qui s’appelle Breed. Elle tue vraiment, j’aurais aimé la mettre sur le disque… même si en soit elle ne lui manque pas.

NicKo: Cette année, on fête le vingtième anniversaire de la sortie de Bestial Devastation (ndr – le premier EP de Sepultura). Qu’est-ce qui te motive encore? En 20 ans t’as eu le temps d’en faire des choses…
Max: (pensif) mouais mais… je sais pas. Je pense que je suis resté honnête avec moi même. Et puis j’aime la musique… et je ne sais rien faire d’autre (rires).
NicKo: Donc la retraite n’est pas envisagée pour l’instant?
Max: Même pas pour rire! (rires) Pour moi, la retraite sera quand je serais mort. Et puis si je prends ma retraite? Je vais faire quoi?
NicKo: Ha ben je sais pas moi, tu pourrais devenir producteur!
Max: Mouais… non, j’aime trop ma guitare. Plus tard peut-être… (il réfléchit) Et puis non! J’aime trop être sur scène. Je sens que j’ai ça en moi, un truc inexplicable qui fait que… voila quoi! Cette vibe que j’ai en moi j’ai envie d’en profiter au maximum. Si je m’arrêtais j’aurais l’impression de gacher tout ça.
Et puis… (il marque une pause) je ne veux pas paraître suffisant mais ce que je fais me permet d’avoir une voiture, une maison mais… ça ne me permet pas d’avoir cette sensation que j’ai quand je suis sur scène. L’argent ne te donne pas ça. C’est un esprit, une attitude, je ne peux pas t’expliquer pourquoi je ressents ça mais sincèrement, je donnerais tout mon fric pour garder cette chose en moi.

NicKo: Et pour finir, une question que je pose à tout le monde et à laquelle tu n’échaperas pas.
Max: Je dois m’inquiéter? (rires)
NicKo: Meuh non. Donc… quelle est la question la plus con qu’on t’ait posé en interview?
Max: (surpris) alors là… en fait… je n’aime pas parler des chansons. Y’a rien qui m’agace plus que ça. C’est une chanson alors écoutes là! Y’a pas besoin de débattre 50 ans de dessus. Tout est dedans, les paroles la musique tout! Je sais que les fans veulent savoir, comprendre mais je pense qu’une chanson doit parler d’elle même et que si elle ne te parle… ben change de disque! (rires)

Un immense merci à Max pour sa gentillesse et merci également à Roadrunner France.