C’est en boitillant que Jeff Waters, leader/guitariste/chanteur/compositeur/producteur (rayer la mention inutile) d’Annihilator s’est présenté vers moi. Très sympathique, le super guitariste canadien s’est prêté au jeu du question/réponse avec entrain et ce, malgré le bordel règnant autour. Les interviews au bar de l’Elysée-Montmartre, c’est pas cool, pas cool du tout.
NicKo: Ma première question va sembler évidente mais étant donné le contexte musical et le titre du dernier album, pourquoi l’avoir intitulé Metal ?
Bonne question. (rires) En fait il y a trois raisons. La première raison c’est que c’est un mot qui fait partie de notre histoire depuis des années puisque quand nous avons lancé le site web du groupe, nous voulions annihilator.com mais c’était déjà pris donc nous l’avons appelé annihilatormetal.com. Je l’ai donc devant les yeux tous les jours depuis les années 90. La seconde c’est que, j’y reviendrai plus longuement ensuite si ça ne te gêne pas, à la fin de l’enregistrement de l’album, j’étais en train de regarder la liste des invités qui ont travaillé avec nous sur les chansons et je me suis dit que tous ces musiciens étaient des artistes de Metal ou des membres issus de groupes de Metal très différents les uns des autres. Trivium est différent de Lamb of God ou de In Flames. Je me suis donc dit que Annihilator Metal pourrait faire un bon titre pour cet album. La troisième raison c’est que j’ai remarqué qu’au Royaume Uni, au Canada et aux USA cela devenait très à la mode d’appeler sa musique ou son groupe Metal. De plus tous ce qui l’ont entendu nous ont dit que c’était l’album le plus Metal qu’on ait jamais fait. Il y a encore quelques années, aucun de ces groupes n’aurait osé qualifier sa musique de Metal, ils ne voulaient même pas entendre parler de Heavy Metal alors que maintenant, ils flashent là-dessus. Il semble que cela commence à prendre. C’était donc un bon titre pour l’album pour pas mal de raisons.
NicKo: Cette liste d’invités démentielle, était-ce intentionnel ou bien comme cela arrive parfois, cela c’est fait sur un malentendu ?
En fait l’album était quasiment terminé. C’était notre 12ème album studio et nous n’avions pas prévu de collaborer avec d’autres musiciens. Mais il se trouve qu’à la fin de l’enregistrement Corey Beaulieu du groupe Trivium et Michael Amott de Arch Enemy m’ont appelé pour me demander si j’avais terminé l’album d’Annihilator ou si j’étais toujours en train de bosser dessus. Et Corey m’a demandé un truc du genre : « Eh ? Est-ce que je peux jouer un solo dessus ? » Et je lui ai dit : « Ok. On a encore le temps. Ce serait sympa.». C’est comme ça que Corey a fait un solo sur l’album. Et puis j’ai demandé à Michael Amott de participer et à plein d’autres gens que je connais depuis longtemps et qui, je le sais, aiment la musique de Annihilator. Ce n’était vraiment pas planifié. Ca s’est fait à la toute dernière minute, juste avant que l’on ne mixe le CD. Il a même fallu que je me débarrasse d’une bonne moitié des solos de guitare que j’avais moi-même enregistré pour laisser la place aux musiciens invités, alors… (rires).
NicKo: Y a-t-il des musiciens qui ont refusé ou qui n’ont pas pu participer à l’album ?
Il n’y a que Dave Mustaine. Il était en tournée au Canada et il avait un jour de repos entre la date de Toronto et celle de Montréal. Or, Ottawa, ma ville se trouve pile entre les deux. Je lui ai donc proposé de passer à mon studio et de travailler un truc pour l’album mais il est tombé malade et il avait quelques problèmes sur cette tournée. Mais il est le seul à n’avoir pas pu le faire parmi les gens que je voulais. Je voulais vraiment travailler avec des amis, des gens que je connaissais vraiment très bien. J’aurai probablement pu faire appel à de très grands noms du Metal. Il est même probable que certains auraient accepté de participer mais ma petite amie m’a dit : «Ne fais pas appel à des grands noms du Metal sinon les fans vont penser que cela n’est qu’un coup de pub pour vendre plus d’albums.» Elle m’a conseillé de m’en tenir aux gens qui aimaient notre musique, Alexi Laiho, Michael Amott… «Peut-être qu’un jour toi aussi tu auras un petit peu d’influence sur leur musique.» m’a-t-elle dit. Je m’en suis donc tenu à ça. Je ne suis pas allé trop loin (rires).
NicKo: Dave (Padden) est le chanteur d’Annihilator depuis trois albums maintenant. Comment expliques-tu sa longévité au sein du groupe ? Car ce poste a souvent été à géométrie variable.
Je ne sais pas. Dave est vraiment content d’être là. La plupart des chanteurs que j’ai eus au sein d’Annihilator n’étaient pas vraiment des chanteurs, ils étaient… le premier a été Randy Rampage, il a fait Alice in Hell et Criteria For A Black Widow. Alice in Hell a été l’un de mes albums les plus célèbres mais il avait des problèmes de drogue et d’alcool. Le second chanteur avait le même genre de problèmes et… le troisième a mis le feu à sa chambre et a définitivement arrêté la musique. Joe Comeau qui faisait partie d’Overkill était guitariste de formation. La plupart étaient musiciens, pas chanteurs. Dave Padden n’était pas chanteur non plus. Il était guitariste dans un groupe quand je l’ai engagé. C’est très étrange. J’enregistre toujours mes albums avec un batteur et un chanteur, ou presque, et quand j’ai fini l’album je commence à songer au line-up pour la tournée. C’est comme d’avoir deux groupes séparés : l’un pour le studio et l’autre pour la tournée.
NicKo: Tu ne considères donc pas Annihilator comme un projet solo mais comme un groupe ?
C’en est pourtant un. C’est un peu les deux. C’est davantage un projet solo quand je suis en studio mais Dave y a désormais une place importante, et en tournée c’est un groupe. Quand on part sur les routes on est quatre types dans un bus alors ce n’est pas « mon show ». C’est un groupe qui joue.
NicKo: Le groupe semble fonctionner plutôt bien à l’heure actuelle mais n’as-tu jamais eu envie de tout laisser tomber au début quand les choses allaient moins bien ?
Oh si, une ou deux fois. Et encore il n’y a pas si longtemps, il y a un an et demi, en 2005 donc, j’ai fait quelques très grosses erreurs sur le plan des affaires. J’ai beau être dans le business depuis de nombreuses années, il m’arrive encore de faire de mauvais choix. J’ai signé avec une maison de disques appelée IFM Records et un manager qui n’était pas bon. J’ai vraiment fait une grosse erreur de signer avec un manager qui m’a entraîné dans tous ces problèmes. Cela a donc été une année et demie très difficile où j’ai dû passer tout mon temps à essayer de casser tous ces mauvais contrats. Cela m’a coûté une fortune en avocats mais j’ai réussi à m’en sortir. Il y a aussi eu un moment en 98 ou 99 où j’ai eu envie d’arrêter. Je me suis accroché et j’ai continué à faire des disques alors qu’aux USA et en Allemagne le Metal ne marchait plus du tout. Il fallait être Pantera, Sepultura, ou Biohazard… faire du Hardcore ou du NeoMetal pour avoir de l’aide des maisons de disques. Tous les groupes de Metal ont galéré. Mais j’ai la musique dans le sang, je ne peux pas lâcher la musique. J’y ai songé quand on m’a plusieurs fois proposé des boulots mieux payés dans d’autres groupes ou pour des bandes originales de film ou de jeux vidéo. J’ai essayé, j’y ai réfléchi et puis je me suis dit : « Non. Je suis né pour faire ça. »
NicKo: Il s’est écoulé 17 ans depuis la sortie du premier album. Qu’est-ce qui te différencie en tant que musicien et en tant que personne de celui que tu étais à cette époque ?
Bonne question (rires). Plus le temps passe et plus tu apprends à affronter les problèmes et à faire avec. Parce que le business de la musique, ça craint ! C’est affreux. Les gens te prennent de l’argent ou font de l’argent sur ton dos et il faut vraiment te battre pour en récupérer une petite partie. Je n’aime pas me battre. J’aime m’amuser en faisant de la musique mais pour survivre aussi longtemps dans le milieu du Metal, depuis 89 jusqu’à aujourd’hui et enregistrer 12 albums il faut se battre (rires) pour faire un peu d’argent sinon je n’aurai même pas de quoi vivre. Je vais mieux d’une certaine manière. Il m’arrive encore d’être en colère, amer ou déprimé. C’est parfois frustrant parce que les labels ou les gens avec qui tu bosses te trompent mais j’aime tellement le Metal que finalement, cela semble peu de chose. Le temps m’a appris que c’est ce que j’aime, c’est ce pour quoi je suis né je suppose : mon petit groupe de Heavy Metal (rires) !
NicKo: Est-ce qu’il y a des aspects de ta musique qui ne conviennent pas au Metal ?
Certains, mais pas beaucoup. C’est une chose que j’apprécie dans le Metal c’est que si tu prends des groupes comme Judas Priest ou Iron Madien, ils peuvent avoir des ballades, des chansons d’amour et des titres beaucoup plus violents. Le Metal est composé de mélodies, il peut mélanger des influences blues, jazz et classiques. Il y a aussi des genres plus agressifs : le thrash, le speed, le death, le punk… c’est très large. Tu peux quasiment jouer tout ce que tu veux. Il y a des choses à ne pas faire. Tu ne pourrais pas parler d’amour tout le temps par exemple, cela ne fonctionnerait sûrement pas. On n’aurait sans doute pas pu sortir autant d’albums parlant d’amour avec un groupe appelé Annihilator (rires) mais on l’a fait parfois.
NicKo: Certaines personnes te considèrent comme un Guitar Hero. Comment Jeffrey B.Waters est-il devenu Jeff Waters d’Annihilator ?
Je ne suis pas un Guitar Hero. Je suis un petit joueur de guitare dans un groupe de Metal comme des millions d’autres. Il en existe beaucoup de très bons. Je pense que je suis bon dans le son d’Annihilator. J’ai commencé en prenant des leçons de guitare quand j’étais petit, j’ai pris des cours de classique, de jazz, des choses très simples jusqu’à AC/DC, Kiss et Aerosmith et puis j’ai été de plus en plus vers le Heavy avec le Black Sabbath d’Ozzy et puis vers le thrash. Je n’ai pas pris plus de 5 années de leçons. Cela ne m’a pas beaucoup servi dans ma musique, j’ai même quasiment oublié comment lire de la musique. Mais les cours m’ont au moins enseigné à placer mes mains de manière à être plus rapide, plus efficace mais le reste je le fais à l’oreille. C’est le cas de la plupart des musiciens avec qui je joue ce soir. Nous n’avons pas étudié la musique, nous jouons c’est tout.
NicKo: Le Metal est devenu plus technique de nos jours. Penses-tu qu’Annihilator ait influencé cette évolution ?
Nous ne sommes pas si techniques, nous avons même des chansons très très simples. Si tu prends Gojira par exemple, avec qui nous étions en tournée en Angleterre. Ce groupe est hallucinant. Il sonne sur scène exactement comme sur album, ils ont un tel niveau une telle puissance, je suis très très impressionné par leur niveau. Joe crie et joue de la guitare et leur batterie est tellement parfaite… (silence) Nous avons des morceaux difficiles également mais, comme tu l’as dit, il y a de nombreux groupes qui sont capables de sonner en live comme sur album. Il y a bien des groupes plus techniques que nous et nous n’essayons pas de l’être. Je pourrais le faire si je le voulais mais il m’arrive d’être d’humeur à jouer un riff à la AC/DC et d’autres fois j’ai envie de choses plus techniques à la Dream Theater ou Rush. Je ne sais pas (rires).
NicKo: Trivium par exemple joue de longs solos. Tu ne penses pas les avoir influencé dans cette voie ?
Il faut leur demander (rires). C’est ce que j’ai cru comprendre… un petit peu. Corey et Matt m’ont fait entendre des parties de leurs chansons influencées par ma musique mais ils savent que j’ai moi-même été influencé par Glen Tipton, Kerry King, James Hetfield, j’ai puisé ça de quelque part moi aussi. Nous avons tous des riffs inspirés de grands groupes de Metal et que nous essayons de mettre à notre propre sauce. Nous tous ici sommes avant tout des fans de Metal. cette tournée n’est pour nous qu’un prétexte pour écouter la musique des uns et des autres (rires).
NicKo: Tu n’es donc pas frustré d’ouvrir pour un groupe plus jeune ?
Oh non ! Cela me donne envie de travailler davantage et de me maintenir en forme. Trivium nous a vraiment aidés car nous ne vendons pas beaucoup d’albums au Royaume-Uni, or, nous venons de terminer une tournée de 3 semaines au Royaume Uni et la plupart des gens ne savaient même pas qui on était. On a joué devant des garçons et des filles de 18 ans. Et sans Corey et Trivium, nous n’aurions jamais eu l’opportunité de le faire. Dans d’autres parties de l’Europe c’est un peu différent parce que beaucoup de gens vont venir nous voir, en Italie notamment ou en Allemagne. Ils nous laisseront donc un set plus long quand on jouera là bas. C’est vraiment chouette. Je suis honoré que ces gamins nous respectent et aient eu envie d’emmener des vieux comme nous sur une pareille tournée.
NicKo: Tu as un jour déclaré que tu étais le shredder le plus rapide au monde…
(rires) Non je n’ai pas dit ça… enfin je n’ai pas le souvenir de l’avoir dit comme ça mais je ne dois pas en être loin (rires) en disant ça je savais que quelqu’un déformerait ce que j’avais dit. c’était une erreur je n’aurais pas du dire ça (rires) en réalité, je faisais une interview et je parlais de la façon d’utiliser le médiator pour une guitare rythmique. Et j’expliquais l’utilisation que j’en faisais juste pour le rythme en diant que je devais être un des plus rapide au monde parmi les guitaristes de métal… et voila… Il y a de très bons guitaristes bien plus rapides que moi mais c’est qui est sorti sur internet.
Un jour j’ai croisé Jeff Loomis de Nervermore et il m’a raconté que pendant une interview on lui a demandé ce qu’il pensait de moi disant que j’étais le plus rapide et Jeff l’a regardé en éclant de rire.
Haaa j’aurais mieux fait de me taire (rires).
Je suis rapide mais je peux être lent aussi (rires).
NicKo: Une petite question concernant Megadeth. Penses-tu que si tu avais rejoint le groupe, celà aurait pu fonctionner entre Dave Mustaine et toi? Vous avez tous les 2 de très fortes personnalités!
Tu sais, je pense que oui ça aurait fonctionné simplement parce que je sais ce que Dave attend d’un musicien. Qu’il face ce qu’on lui dit, qu’il soit professionnel et voila. J’ai vu des musiciens défiler dans Annihilator pendant 20 ans donc je sais ce que je voudrais qu’ils fassent pour mon groupe.
Ce qui est amusant c’est que j’en reparlais avec lui il y a quelques semaines quand ils sont passés à Ottawa. On a toujours en projet de faire quelque chose ensemble mais nous tous les 2 trop occupés pour trouver le temps de le faire.
Avec le recul, je peux te dire que maintenant ça fonctionnerait mais qu’à l’époque où cela aurait pu se faire celà n’aurait pas marché. J’avais de gros problème d’alcool et lui, comme il le dit à tout le monde, avait de gros problème d’alcool et de drogue. Mais je ne désespère pas que d’ici à l’an prochain ça puisse se faire.
NicKo: Comment t’es-tu retrouvé impliquer dans le projet Roadrunner United?
Monte Conner (ndr – directeur artistique de Roadrunner) a parlé de moi à Rob Flynn qui cherchait un soliste pour un de ces titres. Rob ne connaissait pas vraiment mon travail avec Annihilator et à vrai dire, je ne connaissais pas trop Machine Head non plus. Enfin la seule fois où je les ai vu il avait les cheveux jaunes, un survetement rouge et il chantait plus ou moins du rap… par la suite j’ai découvert Burn My Eyes (me faisant un clin d’oeil).
Bref j’ai pris l’avion pour San Francisco et j’ai passé quelques jours chez Rob. Et on s’est amusé comme des mômes. J’ai fait mon solo et je suis rentré à la maison!
NicKo: Un petit mot pour conclure ?
Oui, jetez une oreille sur notre album METAL et si les choses fonctionnent bien nous reviendrons faire plusieurs dates en France en première partie d’autres groupes. Notre set ne sera donc pas très long mais en 2008 j’espère qu’on pourra faire quelques petits concerts en tête d’affiche.
Merci à Jeff, Oliver et Alex de Crypt’O ainsi qu’à Roger