Il y a 20 ans, In Flames sortait Clayman, album charnière dans la carrière du groupe puisqu’il les a propulsé au rang de patrons de la scène suédoise. Quoi de plus normal pour fêter ça que de le réenregistrer?

Oui mais voila, entre temps In Flames a viré sa cuti. De big boss du Death mélo mondial, In Flames s’est mué en groupe de Metal grand public avant d’opérer sa dernière évolution et devenir des VRP en soupe.

Déjà à l’époque, les « puristes » taillaient le groupe en disant que Colony ne serait jamais égalé et qu’avec ce disque In Flames ramenaient un public de n00bs qui n’y connaissaient rien. Ce qui était on ne peut plus vrai. A l’époque, je faisais parti de ces n00bs qui n’y connaissaient rien (Clayman étant mon premier disque « suédois ») et Colony n’a toujours pas été égalé.
Au-delà du débat sur l’évolution musicale du groupe (quoiqu’on en pense), on peut se poser la question de savoir pourquoi In Flames a réenregistré une partie de Clayman? Si on met de côté l’argument de l’anniversaire que reste-t-il? La relecture artistique? Mouais… L’ennui pendant le confinement? Possible. Le chèque qui va accompagner ce réenregistrement? Naaaaaaaaan pas le style de la maison.

In Flames - Clayman 2020

Aussi bien musicalement qu’humainement, le groupe de 2020 n’est pas celui de 2000 donc il n’y a pas besoin d’être voyant extralucide pour prédire ce qui allait arriver. Les premiers extraits n’ont pas confirmé les craintes, ils ont mis en lumière l’étendue d’une catastrophe en devenir. A la suite de quoi, j’ai eu un bref échange WhatsApp avec mon éternel compère CFH (qui fait parfois de la pige dans ces pages). Ca donnait ça:

Donc pourquoi autant de bruit autour de cette version 2020 de Clayman? Ou formuler autrement: pourquoi Clayman 2020 est-il une sombre merde?
Déjà, l’album a 20 ans donc les 2 (Anders et Björn) qui étaient déjà là à l’époque en ont soupé de jouer ces morceaux. Aussi bien dans le chant du premier que dans le jeu du second, on sent une sorte d’indifférence voire de lassitude. Compréhensible mais c’est votre métier et votre oeuvre les gars.

Exemple concret: Wacken 2015. Une copine, qui est bon public, insiste pour qu’on regarde In Flames.
Elle: « C’est quoi cette chanson? Je ne reconnais pas. »
Moi: « Only For The Weak ».
Elle: « Non t’es pas sérieux ». Silence. « Ha mais oui t’as raison ». Nouveau silence. « Mais c’est nul. Venez on se barre. »

Les entendre jouer les anciens titres avec leur accordage actuel m’avait laissé cette impression de manque de respect envers leur travail passé. Voire même carrément de joli doigt aux anciens membres du groupe qui ont assez peu goûté le changement de cap artistique. Mr Strömblad si vous me lisez, je pense bien à vous. Donc maintenant, quand on regarde les setlists et qu’on voit qu’Only For The Weak est la chanson la plus ancienne et surtout qu’on voit comment elle est interprétée, d’un certain point de vue il n’est pas scandaleux de dire qu’on se fout de nous.

Sur Clayman 2020, l’accordage est donc problématique mais on aurait peut-être pu s’en accommoder si il n’y avait eu que ça. Les parties de guitares sont également un vaste sujet. A ce stade, on n’est plus dans le cas de Kirk Hammet qui joue le taping de One à l’arrache sur scène, mais dans une réinvention bas de gamme qui illustre la fainéantise de l’interprétation live. C’est peu de dire que le riff de Bullet Ride a perdu de sa superbe au passage.
Après les guitares, Le chant d’Anders est l’autre chose qui frappe. Qu’il n’ait plus envie de hurler est une chose tout à fait acceptable, il suffit de le dire et de passer à autre chose plutôt que de faire ce qu’il fait. Mais même son chant clair est discutable. Il chouine dans son coin comme si il avait mouillé son pantalon après la récré et que la maîtresse lui avait dit « tant pis pour toi tu n’avais qu’à aller aux toilettes pendant la pause ».
Côté rythmique, l’étendue des dégâts est la même. Les lignes de basses vrombissantes de Peter Iwers ont perdu leur âme et sont devenues tristement génériques. Il suffit d’écouter Only For the Weak 2020 pour se rendre compte que le groove s’est fait mal la malle. Côté batterie, qu’on soit fan ou pas du jeu de Svensson, le mec occupait l’espace avec ses cymbales, bref il se passait quelque chose. Maintenant il y a juste un exécutant qui ne fait que ce qu’il a à faire, tout ça avec un son qui ressemble à un préréglage dans ProTools. Ce qui nous amène au dernier clou du cercueil: le combo prod/mixage. Tout ce qui était un tant soit peu agressif a été poli, adouci, arrondi. Le comble pour un disque de Metal. Tout ce qui donnait vie à ces chansons a été soigneusement retiré avec pour résultat des morceaux formatés, génériques, sans aucune personnalité que n’importe quel mec faisant des reprises sur YouTube aurait pu faire. Si il y avait un tuto à suivre pour vider un disque de toute forme de vie, Clayman 2020 serait le mètre étalon.

C’est normalement maintenant que quelqu’un dans l’assistance se veut être la voix de la raison et se lève en disant « Dis donc t’y vas fort quand même. Il doit bien y en avoir qui aiment. » Oui il y en a. Mais sorti des trolls et des « j’aime bien » ou « c’est différent ça change », personne n’est capable d’argumenter sur le fond afin d’expliquer pourquoi cette version de Clayman serait meilleure que l’originale.
J’ai néanmoins trouvé un énergumène dans les commentaires de la vidéo de Pinball Map 2020 qui nous dit « mais c’est mieux, maintenant on comprend le chanteur ». J’imagine qu’il doit aimer Siren Charms et tenter des approches du style « ha t’écoute du Metal toi aussi? J’adore Crazy Town ».
Certes il en faut pour tous les goûts mais si votre truc c’est de porter une combi de poney en latex et boire votre caca en milkshake avec une paille pendant qu’on vous pisse dans l’oreille gauche… faites-vous plaisir, ce sera sans moi.

A la réflexion, cette relecture de Clayman est parfaitement dans son temps. Aseptisée et lisse au possible pour ne froisser personne. Ceux qui râlent ne sont que de vieux réac’ qui sont contre toute forme de changement. D’ici qu’on nous parle de patriarcat de la vieille garde du Metal qui oppresse les métalleux fragiles il n’y a qu’un pas.
Mais le résultat est là.