Peut-on en même temps frôler la folie et tutoyer du doigt le génie créatif à l’état pur ? C’est la question que soulève City, monument, au propre comme au figuré, du métal comme il nous est donné voir seulement une fois par décennie… et encore peu de disques peuvent se vanter d’atteindre un tel niveau… de tout. Alors qu’est-ce qui fait que City est City et que tout ceux qui l’ont écouté crient au génie ?
City est City déjà simplement à cause d’une chose : il est le rejeton de Devin Townsend, doux dingue aux allures de geek en puissance qui cache sous son apparence joviale un être totalement génial avec tout ce que cela peut impliquer. En effet il faut être un peu atteint pour sortir un disque d’une telle violence… et c’était le cas lors de la composition de la bête. Devin au plus mal dans sa tête retranscrit tout dans sa musique et le résultat n’en est que plus hallucinant. City c’est une expérience musicale mais aussi humaine car il est difficile de ne pas réagir face à la douleur qui semble se dégager de certains de hurlements hallucinés de Townsend.
Mais aussi, City ne serait pas City sans la triplette magique qui complète le line-up de Strapping Young Lad. On retrouve le corpulent et néanmoins efficace Byron Stroud à la basse, le génial Jed Simon à la guitare et la bête… pour ne pas dire le monstre Gene Hoglan, demi dieu de la batterie et légende vivante au CV à faire pleurer la moitié de la scène métal planétaire. Devin, grâce à ses 3 compères, nous envoie ce qui est certainement le disque de métal le plus extrémiste qui soit et qui pour autant ne soit pas cataloguer parmi les classiques du métal extrême.
Sur le plan musical, City est inaudible à la première écoute, qu’on se le dise.
Personne n’est préparé à une telle densité musicale, c’est comme se prendre un mur en pleine face. C’est assommant, ça vous casse sans que vous sachiez vraiment pourquoi et pourtant, sans le réaliser, quelque chose c’est passé. C’est ce quelque chose d’inexplicable qui vous donne cette envie d’y revenir pour vous assurer que vous n’êtes pas dingue et que vous avez vraiment entendu ce que vous avez entendu. Et là c’est le déclic, tout s’éclaire. Velvet Kevorkian vous prend en main et vous fait entrer dans la dimension Strapping Young Lad.
Et cette dimension se dévoile au fur et à mesure des titres. All Hail The New Flesh, au titre prémonitoire si il en est, vous fait découvrir l’ampleur de la chose. La chose en question est une musique d’une densité extraordinaire où chaque passage vous arrive dans les dents par couche successive. Et c’est cette nappe musicale qui fait de SYL un groupe si particulier, cette façon de mixer et d’orchestrer la musique. La violence d’Ho My Fucking God n’en est que décuplé et des morceaux plus « facile » à appréhender comme la célébrissime Detox n’en sont que plus imposant. Chaque titre vous amène dans un endroit bien particulier de la tête de Townsend et on est par moment surpris de toucher la folie du doigt (Home Nucleonics) alors qu’a contrario on retrouve un homme qui ne demande qu’à être apaisé (Room 429). Entre les 2 on retrouve des perles (AAA, Underneath The Waves) où Devin déroule son mal être de manières différentes en passant d’un extrême à l’autre.
Chaque chanson est donc un morceau de bravoure et il ne sera pas rare de découvrir encore de nouvelles choses même après plusieurs dizaines d’écoutes. Car City est un album élitiste. Il ne se donne pas à n’importe qui. Certains s’arrêteront au côté bourrin de la chose alors qu’il y en fait tellement plus, City demande qu’on voit plus loin, bien plus loin que son aspect monstrueusement agressif. Et pour cela, Townsend a mis les petits plats dans les grands. Peu de disques peuvent se vanter d’avoir une production de cette teneur. Musicalement c’est le chaos, la guerre et pourtant on s’y retrouve, tout est à sa place, audible et judicieusement dosé pour peu qu’on y prête l’attention nécessaire. Cette production futuriste contribue elle aussi à faire de City ce qu’il est.
City est City, City est un monument, City est une masterpiece, un album insurmontable, un instant de génie/démence totale qui rend sa découverte, son écoute et sa « digestion » unique. City intronise son créateur au panthéon des plus grands compositeurs que le Rock ait connu. City est le disque ultime, l’œuvre unique d’une vie qui restera à jamais graver dans les mémoires comme l’ovni musical qu’il est.
Indispensable.