Plus le temps passe, plus Dimmu Borgir prend un rythme de sénateur pour sortir ses albums. 7 ans après un Death Cult Armageddon sublime et 3 ans après un In Sorte Diaboli somme toute moyen, Shagrath & co sont de retour avec Abrahadabra, album attendu au tournant pour un tas de raisons pas forcément musicales.
Petit flashback.
Août 2009 la nouvelle tombe (et elle fait mal): Vortex (basse – chant clair) et Mustis (clavier) ne sont plus de la fête. Là on se dit que c’est le drame, que DB ne va pas se remettre du départ de son charismatique bassiste et de celui qui a contribué à faire exploser le groupe avec ses talents de compositeur. Je passe sur l’échange d’amabilités qui s’en est suivi.
La question que tout le monde se posait était alors: comment les 3 restants allaient se débrouiller pour pondre un album digne de ce nom sachant à quel point les 2 autres étaient aussi doués qu’appréciés ? Et bien s’est simple: Shagrath s’est remis au clavier (en studio du moins), MAIS comme faire des orchestrations monumentales avec un Bontempi ce n’est pas donné à tout le monde, décision est prise de carrément prendre un orchestre! Hein… tant qu’à faire autant faire grand pour être crédible et on prendra un toto anonyme pour faire les claviers en concert. Côté basse, c’est plus « lolesque » si j’ose dire. Il faut trouver un lascar qui a du charisme (parce que Vortex et ses 2 mètres ça en imposait) et si le gars gère le chant clair en plus c’est parfait. Le candidat recruté est donc Snowy Shaw de Therion. Le bonhomme vient faire le boulot sur l’album avant de se rendre compte qu’il était peut-être mieux là où il était avant. Résultat, DB n’a de nouveau plus de bassiste et recrute un pigiste pour le live. Côté batterie, c’est toujours Daray (ex-Vader) qui s’y colle mais sans être crédité puisque le poste est en réalité un siège éjectable chez DB – il n’est jamais que le 9ème batteur depuis la création du groupe…
Tout ça pour dire que cet album avait tout du casse gueule pour Shagrath, Silenoz et Galder, les 3 membres « officiels » de Dimmu Borgir.
Donc Abrahadabra, en dehors de son nom « abracadabrantesque » au faux air de pokemon il vaut quoi? Hé bien il me laisse perplexe.
Le single Gateways m’a laissé une impression détestable quand je l’ai entendu, cependant il a pris plus de sens un fois dans son contexte – j’y reviendrais. Quant à l’album, de prime abord je l’ai trouvé daubesque (oui carrément) mais finalement on y revient parce qu’il se passe un truc.
Je passe sous silence la très inutile intro pour parler directement des compos. Le moins que l’on puisse dire c’est que le trio ne s’est pas foulé plus que ça, les riffs aussi bien que les plans de batterie sont des classiques de la maison, on y reconnait immédiatement le style du groupe (avec parfois des impressions d’auto plagiat). Les structures sont elles aussi convenues – ex: les refrains où l’on envoie le titre de la chanson plusieurs fois à la suite ça va une fois, mais 3 fois (Born Treacherous, Gateways, Ritualist) dans l’album bon… hein… voilà… Je sais jusque là ça a toujours l’air daubesque sauf que ce qui sauve les meubles c’est le Kringkastingsorkestret. L’orchestre quoi! Ne nous leurrons pas, la vraie star de l’album c’est lui! Le taulier, ce qui fait que tout tient debout, ce qui donne leur vie aux morceaux, ce qui les rend puissant et foutrement jouissif se sont les cordes, les cuivres, les vents qui poussent au cul (si j’ose dire). Comme les grattes sont sous mixées au possible presque toute la place est prise par l’orchestre et les chœurs. Ha les chœurs… encore un morceau de bravoure. Nuclear Blast, dans sa grande mansuétude (non non ce n’est pas parce que DB est un des 3 plus gros vendeurs du label), a filé un budget monstrueux à Dimmu Borgir pour son album, donc en plus de l’orchestre ils sont allés chercher la Schola Cantorum pour faire les chœurs. Résultat? Ca bute! Les voies aussi bien féminines que masculines sont simplement superbes et toujours justement placées, en témoigne la chanson Dimmu Borgir, petite pépite du genre et je ne parle même pas du combo choral/orchestre sur ce titre tellement c’est monumental.
Au milieu de tout ça, A Jewel Traced Through Coal nous rappelle qu’à la base, c’est quand même un album de metal extrême et pas un disque de classique, en lorgnant gentiment du côté de chez Behemoth quand ça démarre (vers 1min 08).
Que dire du single? qu’il illustre parfaitement l’album? Carrément! Les 46 premières secondes sont simplement jouissives: chœurs, violons, roulement de double et petit riff de gratte. On se roule par terre de bonheur. Sauf que quand Shagrath entre en scène après un break qui casse la superbe envolée du morceau on a presque l’impression de trouver face à un titre de Cradle Of Filth. Impression qui se confirme un chouilla avec l’invitée Agnete Kjølsrud qui braille de manière surprenante. En gros c’est pas mal mais c’est forcément mieux avec l’orchestre qui envoie la purée.
Au rayon invité on retrouve aussi Garm (Ulver) qui vient pousser la chansonnette et qui renvoie Shagrath à ses chères études. Certes les 2 loulous ne chantent pas de la même manière mais sur Endings And Continuations il n’y a pas photos.
Côté prod… ben il n’y a rien à dire tellement le son est parfait. Les gratte sont planquées dérrière l’orchestre, ce qui n’est pas forcément un mal, la basse est là et bien là (pour une fois) et le mix des voies est parfait, tout comme le mix général d’ailleurs.
Dimmu Borgir sort un album de black symphonique aussi épique que monumental voir totalement démesuré par certains aspects. On aime ou pas.
Se retrouvant un peu le cul entre 2 chaises, semblant hésiter entre ses racines purement black et le côté symphonique qu’il a pourtant contribué à démocratiser, le groupe donne parfois l’impression de se chercher.
En ce qui me concerne, les orchestres ça me convient, l’orchestre praguois utilisé sur Death Cult Armageddon apportait une sacrée puissance de feu avec ses cuivres, Abrahadabra bénéficie lui aussi de cet apport orchestral mais est pourtant très différent. Si le prochain est du même tonneau: symphonique avec un petit côté BO de film épique, j’achète.
Quoiqu’il en soit, je leur souhaite bon courage pour arriver à restituer ne serait-ce que le quart de la puissance de leur album en répèt’ concert, surtout quand on sait la qualité générale de leurs prestations.