Haaaaa 1994… année bénie par les dieux de la musique tant elle fut riche en sortie qui ont marqué leur temps et qui sont encore d’actualité, je vous cite en vrac : le premier Korn, le grandiose Burn My Eyes de Machine Head et l’inusable Demanufacture de Fear Factory pour ne rester que parmi les plus célèbres. A côté de ces mastodontes, de petits groupes moins connus y sont également allés de leur perle comme Downset avec son premier album éponyme.
Classé à l’époque dans ce que l’on appelait la fusion, mélange de rap et de rock que l’on nommera plus tard néo métal, Downset fait plutôt dans un hardcore au phrasé rappé avec un son bien gras typique de la côté ouest. Il est d’ailleurs intéressant de noter l’énorme différence de style et de son qui existe entre ce qui se fait à l’est (poser une oreille sur le State Of The World Address de Biohazard sorti la même année) et à l’ouest alors qu’on met pourtant ça dans le même sac avec l’étiquette hardcore.
A juste titre serais-je tenté de dire si l’on prend le temps de lire les paroles. Véritable brûlot sur la vie dans les banlieues défavorisées, Downset fait dans le hardcore niveau lyrique et fait passer sans forcer RATM pour une bande de boy-scouts. Rey, chanteur et cerveau du groupe, est littéralement habité par ses paroles. En témoigne le titre d’ouverture Anger : qui raconte comment ses parents ont été tué par la police de Los Angeles ainsi que diverses autres bavures. Ca vous met dans le bain direct ! On enchaîne sur Ritual où il raconte le viol d’une de ses amies… « How can I stand in silence while you are raping my sister ? » Le reste n’est qu’un enchaînement de titre aux paroles qui tachent, qui fachent et qui font cogiter.
Le summum est atteint avec My American Payer où la politique sociale américaine se fait tailler en bonne et due forme. Le titre se conclue sur cette phrase lourde de sous entendu « Martin Luther King! Ruben Salezar! Malcolm X! John F. Kenedy! Red, White and Blue is gonna kill you! » et sur quelques accords de l’hymne américain… tout un symbole.
Comme je le disais, le disque a plutôt bien vieilli et sonne toujours très actuel et ce tant au niveau lyrique qu’au niveau sonore. Chaque morceau est bien composé, le poids de chaque riff est pensé pour faire passer toute l’intensité des paroles. La ronronnante basse suit les guitares et accentue certains passages important et donne parfois une puissance redoutable à certains ponts. En parlant de pont, celui d’Anger est une merveille, guitares grasses et un Rey qui balance ses « Ye Ya » entre 2 riffs bien sentis. Niveau tempo, le groupe les alterne et adapte en fonction des textes. Take ‘em Out démarre sur un mid tempo avant de s’arrêter pour repartir progressivement, simple mais redoutablement efficace. A contrario, My American Prayer démarre bien plus lentement et instaure une ambiance bien plus lourde… bref un premier album plein de maturité, bien pensé, très intense qui aurait pu être encore plus énorme si le groupe avait eu plus de moyen à l’époque. Mais n’ayons pas de regret car ce que nous avons entre les mains enterre un paquet d’albums sorti depuis.
Downset ne dure que 34 minutes… mais personne n’en ressort indemne. C’est typiquement le genre de disque instructif qu’on devrait faire écouter dans les écoles pour mettre du plomb dans la cervelle des momes et des abrutis qui prétendent sortir du ghetto alors qu’ils n’y ont jamais mis les pieds.
Un disque d’une lucidité et d’un réalisme à toute épreuve, terriblement actuel malgré ses 13 ans d’âge (‘tain j’étais en 3ème quand je l’ai acheté quoi ! On payait encore en franc ! Préhistorique le machin). A écouter de toute urgence, non seulement parce que ça a des vertus éducatives mais aussi parce que musicalement ça change du hardcore que l’on a l’habitude d’entendre.
Une merveille.