Insane Clown Posse se sont 2 clowns cul-terreux (Violent J et Shaggy 2 Dope) originaires de Détroit, anciens membres de gangs et fans de catch, qui ont décidé en sortant de taule et après une soit disant vision de venir vomir leur haine au monde en le faisant à travers les 6 ‘joker cards’ de ce qu’ils appellent le ‘Dark Carnival’.
En clair : le Dark Carnival c’est leur concept de clowns maquillés qui font du rap et les 6 jokers cards se sont les 6 albums du groupe. Bonne ou mauvaise, l‘idée a fait son chemin, les « juggalos » (leurs fans) ne s’y sont pas trompés et nous voilà donc en présence de leur 4ème offrande The Great Milenko qui n’est pas loin s’en faut, leur production la plus récente, mais qui est en tout cas la plus réussie. De là à dire que leurs 5 autres albums sont de sombres merdes il n’y a qu’un pas que je saute allègrement pour le dire haut et fort : leurs 5 autres albums sont de sombres merdes.
Donc, entre 2 combats de catch à la WWF, WcW, ECW, WWE ou bien dans leur propre league de catch, les 2 crétins d’ICP arrive à pondre des albums qu’ils ont déclinés autour d’un concept qui a somme toute plutôt bien marché à en juger par le succès de tous les produits dérivés (strings, comics, tshirts etc) et les bonnes ventes de leurs albums malgré leur inégale qualité (cf le plantage en règle du double album Bizaar Bizzar). The Great Milenko est donc un recueil de tout ce qui peut-être scabreux, malsain et j’en passe, le tout balancé par les 2 zouaves maquillés avec un jemenfoutisme déconcertant et une jubilation non dissimulée.
L’album démarre sur les chapeaux de roues avec des morceaux qui nous font plonger dans l’univers d’un cirque déjanté où tout par totalement en vrille. Le rap du groupe évolue et change d’ambiance d’un morceau à l’autre. Pour Southwest Voodoo des percus viennent complétées une ambiance déjà résolument tournée vers les musiques des tropiques, How Many Times et son beat très lent font parfaitement ressortir la lassitude qui règne tout au long du titre, sur Hall Of Illusions on branche carrément les grosses guitares (avec LE Slash de Guns n’ Roses à la 6 cordes), il y aussi Just Like That et son beat monstrueux et enfin Pass Me By qui conclue magnifiquement le disque avec un texte nettement plus sérieux et tourné vers le quotidien de l’Américain moyen.
Par ailleurs, tout le monde se fait allumer et on parle de tout sans aucun tabou : l’Amérique bien pensante qui cache ses déviances (drogue, inceste), la religion avec les télé-évangélistes qui trouvent tous les moyens pour pomper du fric aux gens, la culture de masses et ses jeux télévisés stupides – avec ici une parodie absolument anthologique de « Tourner manège » où le mec déclare à la candidate qu’il va violer sa mère dans sa cuisine et sous ses yeux avant de se la faire elle. Le tout se concluant par les éclats de rire de la candidate et les applaudissements du public. C’est monstrueux mais jubilatoire tellement le décalage entre l’ambiance et le discours du clown est flagrant.
Autre exemple de mauvais goût : la mise en boîte de la ligne téléphonique d’assistance aux personnes voulant se suicider. Un mec appelle pour dire qu’il va se mettre une balle et l’autre lui répond qu’il devrait appeler sa mère au lieu de l’emmerder… le discours par en vrille et le clown déclare au mec avec détachement que si il doit se coller une balle, autant qu’il le fasse dehors parce qu’il faut penser à la personne qui nettoiera.
Tout l’album oscille entre un second degré des plus scabreux et un humour noir limite méchant qui a fait grincer plusieurs dents lors de la sortie du disque puisque celui-ci a été carrément interdit… avant de ressortir sur un label différent.
Comparé au reste de la production actuelle en rap, l’album accuse un peu le nombre des années et sonne clairement old school – ce qui contribue à une partie de son charme – mais son mauvais goût demeure quant à lui intemporel.
Record de longévité pour un album rap dans le Billboard US, multi-disque de platine, TGM est un petit bijou d’humour noir que je vous recommande donc chaudement.