Avec Iowa, ils nous avaient promis l’album le plus extrême jamais sorti. Et c’était vrai, puisqu’il s’agit effectivement du disque le plus extrême sorti… par Slipknot. Avec Vol.3, ils nous avaient promis le « Dark Side Of The Moon » (en référence à l’album des Pink Floyd) du métal. C’était vrai, car ils étaient partis plus loin dans leur délire que quiconque ne l’aurait imaginé. Avec All Hope Is Gone, ils disent à qui veut l’entendre que – je cite – « le monde n’est pas prêt pour cet album ». Ha ben là pour le coup, c’est entièrement vrai ! Personne n’est prêt pour ce disque.
Avec Slipknot, on fait toujours dans la surenchère, on en fait toujours des tonnes et souvent la montagne accouche d’une souris batarde 50% info/50% intox et dont le discours qui l’accompagne contient toujours du bluff/de la mauvaise foi/ de la provoc’ pour faire parler (rayer la mention inutile – ou pas). Ils nous ont tout fait, du gros néo qui tâche, de l’extrême pas vraiment extrême, du rock métal « slipknotisé » et maintenant nous voilà avec « ça ».
Ca c’est un album qui mélange tout ce qu’il y a eu dans les précédents en enlevant le côté bêtement rentre dedans et en y ajoutant un part non négligeable de mélodie. Ca c’est un album qui montre que les gars de Slipknot savent faire autre chose que ramener leur science à tout va et qu’ils sont aussi de bons (voir de très bons) techniciens/compositeurs. Ca c’est un disque qui semble enfin savoir tirer parti de la puissance des 2 percussionnistes (ou alors doit-on remercier le gars au mixage ?!).
Dans chaque album, on a réussi à retrouver cette Slipknot touch’ qui a fait leur succès et qui fait bouger les foules. Subtile alternance d’hymnes ultra efficaces taillés pour vous rester en tête autant que pour vous faire bouger dans un pit avec des morceaux plus profonds, qui demandent plus d’attention avec une ambiance travaillée bien aidée en cela par les percus et les samples des membres « optionnels » du groupe. Avec le petit dernier, il semble que les membres dit « optionnels » le soient vraiment devenus (pour certains du moins). Avant ce n’était déjà pas évident mais maintenant ça va devenir carrément problématique de justifier la présence de 9 gugusses sur scène quand 4, 5 au grand maximum ont une réelle utilité – le p’tit père Craig doit être un vrai master en tricot à l’heure qu’il est mais passons.
Slipknot évolue, sans se soucier du « quand dira-t-on », au moins là-dessus on ne peut rien leur reprocher. Ils font leur business, et le vendent toujours comme le plus grand truc jamais fait, certes à force ça fini un peu par lasser mais ça fait parti du cirque habituel les accompagnants.
Musicalement ? Ils ne sont jamais là où on les attend. C’est bien ? C’est mal ? A chacun de se faire son idée, personnellement j’aime beaucoup le fait de ne jamais à quoi savoir m’attendre avec eux bien que le résultat me déçoive parfois. Comme je le disais à l’instant, ça fait parti du jeu avec Slipknot. Et avec cet album ? Objectivement, il est difficile de dire que l’on se trouve face à du Slipknot pur jus. Le groupe ne vomi plus sa haine comme par le passé, ne se sort plus les trippes comme il a pu le faire par le passé. Même Vol.3 paraît plus « slipknotien » qu’All Hope Is Gone alors qu’à sa sortie il fut très vite mal aimé et j’avoue être prêt à mettre une petite pièce sur le fait que cet album va suivre plus ou moins le même chemin et qu’on lui reconnaîtra enfin le succès qu’il mérite à titre posthume (commercialement parlant s’entend) car artistiquement, cet album est plein de qualité. Alors tout espoir est-il vraiment perdu avec ce groupe ? Oui et non. L’espoir de les revoir comme à leur début ça il y a longtemps que j’ai fait/nous avons tous fait une croix dessus. L’espoir qu’il nous offre quelque chose de nouveau, ils le font systématiquement mais jamais comme on s’y attend. Car oui ce disque est plein de choses intéressantes – ‘tention, je n’ai pas dit que j’aimais, j’ai dit que c’était intéressant, NUANCE. Certes ce n’est pas/plus le Slipknot de Slipknot, encore moins celui d’Iowa mais peut-être celui de Vol.3 avec une maturité plus prononcée et une approche de la musique différente. Qui aurait pu imaginer il y a 9 ans de ça quand l’éponyme est sorti, que Slipknot nous pondrait un jour des titres au tempo de marche funèbre avec du chant clair et des plans ultra mélos qui, même si ils sont bien interprétés, sont catastrophiquement chiant et inintéressant. La mode du slow sur un album de métal c’est fini depuis 20 ans les gars !
Cet album disons le clairement, c’est la suite logique du reste. En bons pères de famille, ils font ce qu’ils ont à faire, ramener des $ à la maison, et si le cœur n’y est plus pour certains, artistiquement on s’y retrouve quand même tant ce qu’il y a dans ce disque est « prévisible » au regard des différentes trajectoires des membres du groupe. On retrouve la patte de presque tous les leaders du groupe exception faite peut-être du clown. Chacune étant aisément reconnaissable et judicieusement placée dans chaque morceau. Car sil y a bien un point sur lequel All Hope Is Gone progresse par rapport à son prédécesseur c’est celui des compos. Les chansons sont plus homogènes et il n’y a plus ce côté patchwork avec des enchaînements totalement décousus de plans qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. De même, au chapitre évolution on relève la présence de solo plutôt technique dont j’attends de voir le rendu live avec un intérêt malicieux. Slipknot étant connu pour souvent avoir un son à mi chemin entre le merdique et l’épouvantable (voir le totalement pourrave dans certains cas) sur scène. Pour le reste, ils nous en mettent une petite comme « à l’époque » histoire de nous montrer qu’ils savent encore le faire mais qu’ils sont passés à autre chose. Cet autre chose c’est du bon gros rock/métal tapant joyeusement dans tout ce que le genre peut proposer comme styles, taquinant le stoner (à un moment on croirait écouter Down) mais lorgnant le plus souvent vers un métal teinté de… heu… en fait c’est plein de tellement de choses que je dirais juste que pour du Slipknot c’est plutôt calme. Certains diront que ça fait metalcore, d’autre métal US de base (merci les chansons lentes), d’autres enfin y verront du Stone Sour plus nerveux, mais tout le monde dira sans exception qu’aucun plan ne sort de l’ordinaire et que nos petits amis ne se sont pas franchement foulés. La seule chose dont je sois à peu près sur c’est le groupe prend le risque de se couper de sa fanbase la plus hardcore (si tant est qu’elle existe encore)… ou pire de rameuter les fans de Stone Sour qui ne serait pas fan de Slipknot à la base (un animal pareil ça doit bien exister quelque part). Car le public de Slipknot est un public jeune et plutôt volatile, la fin de l’ère néo métal à laisser bon nombre de groupes sur le carreau et même les plus gros n’en sont pas sortis indemnes – en témoigne l’accueil plutôt frais qu’a reçu Vol.3.
Ici on a Jim + Mick + Joey + Corey à la baguette et ça s’entend, les autres sont là parce qu’ils doivent être là ou parce qu’il faut un bassiste et non pas parce que tout le monde a été impliqué comme cela a pu être écrit à droite à gauche. Cela dit, c’est toujours Joey qui est plus ou moins le maître du gros œuvre et ce malgré le fait que tous ses petits copains soient crédités afin d’avoir droit aux royalties. Car il ne faut pas s’y tromper le boss niveau compo c’est (encore) lui. C’est lui qui a fait (re)venir ses compères à Des Moines (bah oui ils se sont tous tirés ailleurs, pas fous les gars), c’est lui qui les a fait poireauter des semaines à l’hôtel en attendant qu’il peaufine ce qu’il pensait être un travail prêt pour le studio. Entre temps les autres ont bossés dans leur coin puis est « enfin » venu le temps de la mise en commun des travaux des uns et des autres et aussi celui des engueulades. C’est ainsi qu’est né All Hope Is Gone, – un peu comme Vol.3 en son temps mais avec Des Moines en toile de fond au lieu de Los Angeles. Car oui cet album a été enregistré à la maison. Bien ou mal, le fait est que ça ne s’entend pas vraiment mais que ça fait bien dans le dossier de presse, la prod de Dave Fortman (coupable de l’excellente prod des 2 derniers albums d’Evanescence et guitariste des défunts et néanmoins cultes Ugly Kid Joe) rendant le studio d’enregistrement totalement transparent.
Tout ça pour dire que depuis juin (première fois où je l’ai écouté), l’eau a coulé sous les ponts et j’en suis au minimum à la 3ème version de cette chronique. Du coup je n’ai plus l’impression d’écouter le même disque. A tel point que je ne me suis dis « tiens c’est moins pire que dans mon souvenir ». En fait ce n’est pas moins pire, c’est juste différent… comme le groupe. All Hope Is Gone n’est et ne sera pas mon album favori dans la disco de Slipknot, il n’en reste pas moins un album de qualité certes, plus mou que les précédents mais qui est, à mon avis, dans la continuité directe du chemin choisi par le groupe dans sa musique mais aussi dans les personnes qui le composent. Perso j’aurais préféré un mix entre Iowa et All Hope Is gone, un savant mélange de méchanceté pure et de lente introspection, je me contenterais de l’introspection.
Alors « All Hope » est-il vraiment « Gone »? J’aurais tendance à dire oui, le Slipknot véner’ est mort, vive le Slipknot posé. Ceci étant dit, je pense également qu’All Hope Is Gone est le chant du cygne d’un groupe qui mine de rien aurait fait et apporté beaucoup à la scène à laquelle il appartient. Il est, à mon avis, difficile de croire que nos 9 zozos favoris donneront une suite à cet album hormis l’inévitable best of et une compil’ de pseudo raretés sans parler des ré-éditions avec de vrai-faux bonus (en parlant de bonus, la version jap’ est plutôt bien dotée avec 2 inédites assez sympa et un remix déjà vu ailleurs de Vermillion Part.2), RR étant le spécialiste mondial de l’exploitation de filon jusqu’à plus soif. Mais je peux me tromper.
En bref, le monde n’est pas prêt pour ce disque… en tout cas pas moi et pas même eux au semble-t-il.