C’est dans un hôtel de la place Pigalle que je retrouve Mark Hunter (Chimaira) pour une interview assez anthologique dans son genre. Ou quand le fan rencontre l’objet d’adoration – en un mot : culte.

Chimaira - The Impossiblity Of Reason

Mark Hunter : Dis moi, comment on dit « fuck you » en français ?
NicKo: Heu… « va te faire foutre »
MH : ha bon ? c’est pas ce qu’on m’avait dit pourtant… (dubitatif)
NicKo: Oui mais y’a plusieurs façon de le dire.
MH : Ha ok un peu comme chez nous quoi…

(rires)

NicKo: Exactement. Puisqu’on parle de “chez toi”, y’a-t-il une différence entre le public américain et le public européen ?
MH : Ho que oui ! Aux USA, les gens viennent voir une suite de groupes. Ils viennent voir ‘A’ et si ‘A’ ne leur plait pas alors ils vont voir ‘B’. Ici c’est différent. Les gens sont plus sincères, ils sont vraiment plus impliqués dans la musique et ça se ressent quand tu es sur scène. Jusqu’à présent sur cette tournée ça se passe super bien, je suis content de l’accueil qui nous est réservé.
NicKo: à propos de cette tournée, vous n’êtes pas tête d’affiche sur le Roadrage. Ca ne te frustre pas un peu ?
MH : Absolument pas. C’est notre première tournée ici et je t’avouerais que je préfère être en première partie de Spineshank et d’Ill Niño et d’avoir des salles pleines que d’être en tête d’affiche et de jouer devant des salles vides. Le Roadrage nous permet de nous présenter à un public qui ne nous connaît pas forcément…
(regarde dans ma direction avec un air moqueur) Bon ok y’a toujours des exceptions

(rires)

NicKo: vous avez joué avec Slayer et d’autres pointures métal, y’a-t-il encore un groupe avec lequel tu voudrais tourner ?
MH : Oui… Metallica.
NicKo: ha bon ? Malgré leur dernier album… qui est un peu… pas terrible quoi.
MH : Bah tu vois, Metallica est un groupe que je respecte et que j’adore. Ride The Lightning, Master Of Puppets sont des albums géniaux. Chaque album de Metallica est différent, il y a toujours eu une évolution, un changement, même sur les derniers. Rien que pour ça je les respecte, ils ont suivi leur voie sans se soucier de l’avis des gens et c’est très bien.
Bon là maintenant tu me parles du dernier, je ne peux pas dire que je sois fan, et sur certains autres albums, il y a aussi des chansons que je n’aime pas, n’empêche que Metallica est pour moi un groupe culte.
NicKo: Steph’ des Deftones était en guest sur Rizzo, vous avez d’autres invités en prévision ?
MH : Non on n’a rien de prévu de ce côté là. Avoir Steph’ comme guest était pour nous inespéré et totalement inattendu. On savait qu’il était fan et qu’il avait écouté nos démos mais on ne s’attendait pas à ce qu’un jour ils nous appellent et nous dise « ok les gars je suis en ville, j’arrive ». On a jammé avec lui comme ça pour le fun. Au départ on ne pensait pas garder la chanson et puis on s’est rendu compte qu’elle était vraiment bien donc on s’est décidé. Et voilà quoi ! On aurait aussi pu avoir Dimebag de Pantera mais on a préféré décliner l’offre.
NicKo: carrément ?
MH : oui tu vois, on a préféré éviter d’avoir un paquet de gens sur notre disque. On voulait que le public achète le disque parce que c’était nous, pas parce que machin de tel groupe est dessus. Mais d’un autre côté, avoir un mec comme Steph’ sur son disque c’est assez énorme. Je suis fan de ce qu’il fait et je te raconte pas ma tête quand je l’ai vu déboulé dans le studio. J’étais là à le regarder et à me dire « putain c’est pas vrai y’a Stephen de Deftones en face de moi qui joue de la gratte pour le disque de mon groupe ». En tant que fan je te jure que c’est quelque chose d’assez spécial comme expérience. (prends un air halluciné) WHOAW quoi !
NicKo: savais-tu que Steph’ faisait votre pub quand il est passé à Paris en 2000 pour White Pony?
MH : (surpris) il a fait ça ?
NicKo: oui après le concert on discutait et il disait « écoutez ça c’est une tuerie, s’i ils sont signés ça va être énorme »
MH : hé ben… je suis vraiment surpris et content. Surtout qu’à l’époque, nous n’étions pas connus du tout. C’est vraiment géant.
NicKo: Kerry King et Robb Flynn se disent super fans de ce que vous faites et notamment du petit dernier, ça te fait quoi ?
MH : pareil que pour Steph’. WHOAW !
Savoir que des gens comme eux, que j’ai vu en concert étant plus jeune, aiment ce que je fais pour moi c’est trop fort. Tu vois, je suis allé voir Machine Head sur leur première tournée avec Slayer. J’ai trouvé ça tellement énorme, ils avaient tellement la rage que je me suis dis « si j’ai un groupe je veux qu’ils soient aussi enragés qu’eux et qu’ils soient chez Roadrunner ». Maintenant regarde-moi, ça fait quoi… 10/12 ans que j’ai dis ça et tu vois où j’en suis ? Sans eux je ne serais certainement pas là à te parler donc savoir que ces gens qui m’ont fait tripper apprécie notre boulot, c’est plus que ce que n’importe quel fan pourrait demander.
NicKo: j’ai entendu dire que tu avais un projet parallèle. Ca se présente comment ?
MH : projet parallèle c’est un bien grand mot (souri). Tu vois, je ne veux pas faire du Murderdolls ou du Stone Sour (sourrire narquois).
Ce que je veux dire c’est qu’avec High Point – mon autre groupe – le but c’est juste de se retrouver entre potes, de jouer autre chose que ce je fais dans Chimaira et de me faire plaisir. On n’a pas envie de s’emmerder à enregistrer un truc tu vois. Enfin si on va enregistrer des morceaux mais on les mettra sur le net pour les fans. Ca n’ira pas plus loin.
NicKo: juste pour le fun quoi.
MH : exactement.
NicKo: Pendant l’enregistrement de The Impossibility Of Reason, vous avez tourné de petites vidéos. Vous ne nous prépareriez pas un DVD par hasard ?
MH :comment t’as deviné ? (rires)
NicKo: je sais pas une intuition sans doute (rires)
MH : on m’avait dit que les Français étaient malins (rigole encore plus)
Pour en revenir au DVD, on a un stock assez faramineux de vidéos. On a de tout, des trucs qui datent de nos débuts, du live, des répets’, du backstage, des sessions studios, des barbecues dans le jardin de Rob… je te dis on a du stock. Le plus dur va être de choisir quoi mettre dessus.
(s’arrête un moment avec un air pensif)
Je crois que le plus chiant en fait, c’est quand on a été filmé pendant l’enregistrement. Comment tu veux bosser ou discuter sérieusement quand t’as un mec qui te filme non stop ? (rigole) Non mais sérieux, c’est pas facile. Le seul endroit où j’étais tranquille c’était dans la cabine où j’enregistrais mes paroles… et encore (se remet à rire).
NicKo: je profite que tu parles d’enregistrement pour te demander si, par hasard, vous n’auriez pas commencé à écrire un nouvel album ?
MH : ben oui et non.
NicKo: comment ça ?
MH : en fait pour l’instant, on a quelques idées. Pendant les soundchecks j’écoute les délires des autres et des fois je regarde Rob ou Matt en leur disant (prends un air couillon) « mmmm this one sounds good ».
Mais on va attendre un peu avant de s’y mettre. On va tourner et on recommencera à travailler sérieusement vers fin 2004. Et puis TIOR vient juste de sortir, les gens devraient bien pouvoir tenir un an avec ça… (me regarde) Oui bon sauf toi évidemment

(fou rire général)

NicKo: hum bon je sais que tu as été batteur, guitariste et chanteur dans tous tes différents groupes. Quel est ton poste préféré ?
MH : sans hésitation : guitariste !
NicKo: ha bon ?
MH : oui tu vois la guitare c’est un truc que j’adore. Je suis venu au chant par hasard. Dans un de mes groupes, les autres ont viré le chanteur et m’ont proposé le poste parce qu’ils savaient que je pouvais bien crier. Mais comme tu t’en doutes, on ne s’improvise pas chanteur du jour au lendemain. C’est pas facile du tout.
NicKo: ça me rappelle votre première apparition au FarmClub quand vous avez joué Dead Inside. T’avais l’air tout timide et tu regardais en l’air… et là je te vois maintenant…
MH : (hilare) bah tu mesures le chemin parcouru. Même maintenant ça me fout encore la trouille tu vois. Quand je suis en studio, je suis seul dans une pièce, entouré de draps noirs, je peux complètement me lâcher. Le faire devant un public s’est totalement différent. T’as pas le droit à l’erreur. Si tu foires ta ligne de chant, les gens vont se dire « mais c’est qui ce tocard » (imite un spectateur circonspect). Ca demande beaucoup de confiance en soit et c’est pas facile de faire ça tous les soirs. C’est un aspect que je dois encore travailler. Et c’est pour ça que je préfère la guitare, si tu foires une note, tu peux tout de suite rattraper le coup. Enfin ça s’entendra toujours moins qu’un passage de chant raté.
NicKo: Et dans ce que tu fais, autant la musique que le chant, tu as des influences « plus extrêmes » ?
MH : Oui, j’aime beaucoup des groupes comme Morbid Angel mais ma plus grosse influence vient du thrash. Megadeth, Metallica, Machine Head et beaucoup d’autres groupes de la région de San Francisco. Je suppose que ça s’entend un peu dans notre musique (souri). Mais j’aime aussi beaucoup de groupes européens comme Dimmu Borgir et quelques autres groupes de black. Cependant mon favori reste Death. Y’avait tout dans ce groupe ! Une qualité de composition hors normes, beaucoup de variation de style – j’aime beaucoup le côté progressif du groupe – et puis une technique assez hallucinante.
NicKo: J’ai remarqué que les titres vos albums avaient tous 4 mots et que…

(Mark se met à compter sur ses doigts avec un air appliqué et lâche dans un éclat de rire)

Mark Hunter

Mark Hunter

MH :putain ouais t’as raison j’avais pas fais gaffe ! C’est dingue ça !
NicKo: comme quoi t’as bien fais de venir tu l’aurais pas su sinon

(rires)

MH : ça me tue que je ne m’en sois même pas rendu compte, mais tu voulais savoir quoi au juste ?
NicKo: et bien si la structure des titres de vos albums suivaient un schéma – un peu comme le fait Dimmu Borgir – ou bien si c’était du au hasard ?
MH : bah tu vois je suis le premier surpris de cette coïncidence. C’est un pur hasard. Quand j’écris, j’essaye de faire des titres qui sortent un peu de l’ordinaire. Je n’ai pas envie d’avoir sur nos disques des titres que n’importe qui pourrait écrire… mais c’est juste un hasard.
NicKo: Chimaira est un groupe de plus en plus présent sur le net via des sites de fans, des forums etc… penses-tu qu’il soit possible pour un groupe aujourd’hui de se passer de ce nouveau média pour se faire connaître ?
MH : oui… mais ça leur prendrait un temps fou ! Regardes-nous, y’a 3 ans de ça on jouait encore dans un garage. Si nous en sommes là c’est grâce à internet, ce n’est donc pas moi qui vais te dire qu’internet est une mauvaise chose. Il faut aussi reconnaître que c’est grâce aux gens qui sont sur le net que les choses bougent, grâce à des personnes comme toi, ton webzine et même ceux qui s’échangent des mp3 ! D’un certain point de vue on peut dire que Chimaira est un pur produit du net.
T’as de ces questions… celle-là était bien ‘tough’ (rires)
NicKo: ben en voilà encore une bien ‘tough’. Le nom du groupe vient de la mythologie grecque, vous travaillez beaucoup vos artworks, où allez-vous cherchez tout ça ?
MH : c’est très simple : on veut faire original. Si tu prends le nom du groupe par exemple, c’est notre ancien batteur qui l’a trouvé. Un jour il est arrivé avec une liste de nom. Dans la liste y’en avait plein que n’importe groupe aurait pu prendre mais Chimaira a attiré notre intention. Premièrement parce que c’est imprononçable. Je suis sûr qu’il y a des mecs qui parie sur la prononciation exacte du mot (rires). Deuxièmement, ça m’a attiré car je ne savais pas ce que c’était. Donc quand j’ai su que c’était un animal constitué du corps de plusieurs autres animaux j’ai tout de suite accroché car j’ai pensé que ça symbolisait plutôt bien le groupe et ce qu’il était. Et puis Chimaira c’est assez unique comme nom.
NicKo: tu sais qu’il y a un groupe belge qui s’appelle Chimaera ? Leur nom a eux s’écrit avec un E à la place du I.
MH : tu m’en apprends des choses dis donc (rires). Non je ne savais pas. Et tu l’as découvert par le net ?
NicKo: oui
MH : tu vois, ça confirme ce que je viens de te dire. Aujourd’hui tu peux faire sans le net mais tu mettras 20 fois plus de temps à percer. Faut vivre avec son temps.
NicKo: comment voudrais-tu qu’on se souvienne de Chimaira dans le futur ?
MH : « as a fuckin’ angry heavy metal band »
NicKo: c’est tout?
MH : oui ça me semble bien résumé la chose. Ha non un dernier truc. C’est quoi le nom de ton webzine ?
NicKo: E-nderground
MH: E-nderground rules !

Un grand merci à Mark pour ses 35 minutes d’anthologie pure et pour sa gentillesse.
Merci également à Raodrunner France.