Attention événement ! Ou non événement, c’est selon. Le groupe le plus controversé du rap français revient en faisant grand bruit. En effet qui n’a pas entendu parler du retour du Supreme NTM ? Vu le battage médiatique savamment orchestré par le management du groupe depuis l’annonce du retour faite en mars dernier, il faut avoir vécu au fin fond de la Guinée équatoriale pour ne pas le savoir. Après un warm up show à l’Olympia en juin dernier réservé à quelques happy fiews, c’est au tour du commun des mortels de pouvoir assister à l’événement, et ce pour 5 dates archi complètes à Bercy.


Vous allez me dire : mais pourquoi t’es allé voir ça ? En effet je suis bien loin de mes bases et malgré le fait que je n’apprécie pas plus que ça les personnages, la réputation scénique du groupe et quelques titres plutôt efficaces m’ont convaincu de voir ça histoire de ne pas mourir idiot.

C’est dans un POPB vide à 80% de je ramène ma fraise. Il est tout juste 20h, le début est annoncé pour 20h30 et il n’y a pas un rat. Seul le devant de la fosse est garni. Vers 20h15 entre en scène Snifi Giad – le logo du groupe étant à peu près aussi indescriptible que celui d’un groupe de black norvégien quant à comprendre le nom du groupe aboyé par les mecs… bref ce groupe de Montreuil a eu la (très) lourde tâche de chauffer une salle au 3/4 vide avec un rap typique de ce que peut produire la scène française actuelle. Phrasé ultra rapide (vaguement inspiré d’Eminem) d’un gars pendant que les copains aboient chacun leur tour en fond. Pas génial, d’autant que le groupe empile tous les clichés possible du groupe de hip hop sur scène (des mecs qui posent et gesticulent sans but sachant pertinemment que les 3/4 d’entre eux ne servent à rien). Visiblement dépassé par l’événement les 5 gars restent collés au milieu de la scène et nous font un concert de digne d’une MJC. Sans parler du DJ (DJ Milky Way, un copain de bounty sans doute mais le goût de paradis en moins) qui se rate au moins 4 fois sur un envoie de samples. Ouch.
Au bout de 30 minutes, le groupe se fait sortir de scène par le régisseur qui leur avait déjà pourtant gracieusement accordé 5 minutes de rab’. Ca finit en eau de boudin avec le chanteur qui énumère ses sponsors.

Un grand moment de nawak.

Le temps de changer la bannière sur le devant des platines, d’installer un ordi portable et voilà Sefyu sur scène (Youssef pour ceux qui ne maîtrise pas le verlan). Inutile de dire que niveau prestation on ne tape pas dans le même registre. Le show est rôdé, chacun est à sa place faisant son business. Il faut dire que le monsieur à classer son dernier album « Suis-je le gardien de mon frère ? » en première place du top album en mai dernier. Pas mal pour un ancien joueur de foot hein ?
Niveau style c’est assez saccadé, pour ne pas dire hacher (j’ai pas dit à chier), très porté – d’après ce que j’ai compris – sur le style gangsta au niveau des paroles. J’ai rarement entendu aussi souvent le sample d’une culasse de pistolet qu’on arme. Ca meuble gentiment pendant que la salle se remplit et que je ronge mon frein. Ha ! Le groupe se fait lui sortir de scène car on rallume carrément la scène. Voilà ça c’est fait.

Il est amusant de voir que le public est relativement âgé (la trentaine facile) et qu’il ne correspond pas tellement à l’image que l’on pourrait en avoir. En effet la plupart des gens semblent issu de Paris plus que du 9-3 et sont bien loin des clichés « wesh tak tak ‘mamoizelle zy va bien tout ça » avec le survet’ jaune poussin qui va bien. NTM a vieilli, son public aussi et ceux qui les écoutaient il y a 15 ans sont semblent-ils toujours là.

21h50, le noir se fait dans la salle et un rugissement rauque surgit de derrière l’immense écran qui tapisse le fond de la scène. L’écran s’illumine et les 2 lascars sont là devant un public chauffé à blanc. NTM commence avec un « Seine Saint-Denis Style » endiablé pendant que sur l’écran défile des photos de Kool Shen et Joey Starr à différente époque de la carrière du groupe. Dès la fin du titre, Joey regarde sa doublure et lui ouvre grand ses bras, Shen, surpris, fini par lui tomber dans les bras la seconde suivante. Dès cet instant, plus personne ne sera dupe sur le pourquoi du come back et chaque phrase échangée entre les 2 sonnera faux. D’autant plus que Shen se lancera ensuite dans une vaine tentative de justification de ce come back attendu par tous mais surtout par leur label qui malgré le million et demi d’euros investit dans ce très médiatique retour a du y trouver son compte financièrement parlant. Bref… Shen tente de justifier le retour de NTM en disant que ce n’est pas climat social qui s’est dégradé qui les y a poussé et qu’ils ne sont pas là non plus pour remettre de l’ordre dans le hip hop français – Joey prend la peine de dire que se serait prétentieux de leur part – et présente ça comme un challenge de revenir 10 ans après sans nouveaux titres ni rien d’autre à vendre que leur ancien catalogue. Joey, encore lui, prendra la peine de nous remercier, nous qui avons payé notre place… trop cool.
Le set enchaînera ensuite les grands classique du groupe avec des titres peut-être moins attendus ainsi que des face B – que les gros fans du groupes semblaient connaître et surpris d’entendre. Côté classiques donc, l’inusable « Qu’est-ce qu’on attend » fera son petit effet avec un mur de flammes sur l’écran mais aussi des pyros de bonnes tailles sur l’avant de la scène (quand je vous dis qu’il y a le budget pour cette série de concert). Nous aurons aussi droit à « Affirmative Action », « That’s My People », « Paris sous les bombes », « Laisse pas traîner ton fils » avec des chœurs installés dans de petites lucarnes ouvertes dans les parties mobiles de l’écran, « Pass Pass le ouinj’ » avec un Joey Starr autorisant tout le monde à fumer dans la salle et menaçant le public de lui balancer le générique de Chapi chapo si jamais ça sentait le pétard mouillé. Chacun des 2 nous gratifiera aussi d’un titre issu de son répertoire solo, ce qui aura pour effet de refroidir l’assistance. En effet, la réconciliation a du mal à être crédible si au bout de 30 minutes de set on vient nous rappeler que les 2 étaient séparés il n’y a pas si longtemps. J’aurais personnellement une préférence pour le morceau de Shen mais passons. NTM invitera également la plupart de leurs potes pour profiter de la fête, quelques anciens de la scène française feront donc un retour sur scène le temps d’un soir, Papa Lu se distinguera en traitant Carla Bruni de tasse-pé. Toujours au chapitre invité, pour « Ma Benz » nous n’échapperons pas à la présence de l’infâme Lord Kossity. Ce qui, même si l’intention est louable et l’occasion inratable, est une fausse bonne idée. Je m’explique. Pour ces concerts, NTM a pris le risque de proposer des mixs réactualisés de la plupart de ces titres et pour les autres, Shen et Starr ont fait venir un vrai groupe sur scène. Excellente surprise et très bonne initiative. C’est « Ma Benz » qui est le premier morceau à bénéficier des musiciens et… là c’est le drame. Etant donné la présence de l’autre pingouin de Lord Kossity, ils ont cru de bon goût de rajouté des arrangements ragga. Le titre étant attendu par le public, il y a beaucoup qui comme moi sont restés sur leur faim devant cette version pour le moins, très spéciale sans parler des aboiements inbittables du Lord (non je ne risquerais pas une comparaison avec des chanteurs de grind).
Plus le concert avance, plus il est indéniable qu’entre les 2, ce n’est plus l’osmose que l’on a pu voir lors du fameux concert du Zénith immortalisé sur DVD. Il est aussi flagrant que niveau présence scénique, Joey cannibalise littéralement l’attention. Gesticulant, sautant, courant, en rajoutant systématiquement, il ne laisse que peu de place à Shen pour s’exprimer. Idem au niveau micro, vu les 2 timbres de voix radicalement différents de deux, le chanteur de death (bon ok il fait pas de death mais il pourrait) issu des Antilles prend systématiquement le dessus sur Kool Shen. C’est aussi lui qui sera le plus virulent dans ses propos (mais ça on s’en serait douté). C’est enfin lui qui remettra à sa place un mec du public qui lui a lancé un truc en lui disant « hé mec si tu veux faire le lascar tu grimpes là et tu fais ce que je fais ou tu fermes ta gueule. T’es pas à un concert de Bouba » provoquant l’hilarité générale. Il m’a aussi tué quand en demandant au public de se bouger, il dira plusieurs fois « s’il vous plaît ». On croit rêver.
Après un rappel de 2/3 titres dont la très polémique « Police » avec des lights de folies et un lâché de confettis, le concert prend fin après 2h de show grand spectacle. Amusant de voir qu’en sortant de la salle on tombe nez à nez avec une horde de flics qui s’étaient pourtant fait discret depuis le début de la soirée.

A noter que le concert a été filmé et qu’il était prévu qu’il soit dispo sur CD à la vente dès la fin du show mais NTM a décidé de ne pas le faire. Il paraît qu’un sponsor s’est désisté au dernier moment.

Alors que dire de tout ça ? Au-delà de l’aspect business de la chose, est-ce que NTM a toujours la même vista sur scène ? Est-ce que ça valait le coup ?
Pour moi qui découvrait l’ambiance des concerts de rap (Cypress Hill ne comptant pas c’était limite métal), je vous dis « oui mais ». Le coup des 2 qui se tombent dans les bras dès le début à tuer le suspense. Je pense que les fans auraient aimé garder cette illusion d’un groupe uni plutôt que de voir un jeu de dupes pendant 2h. Comme disait MC Jean Gab1 « authentique sur papelard alors que ces 2 là on voulu se rentrer dans le lard ». Sinon au niveau du show, de la setlist, c’était du lourd. J’ai aimé le fait que le groupe se mouille et prenne le risque de remixer ses titres, de faire jouer un vrai groupe tout en proposant autre chose qu’un simple concert best-of qui en aurait pourtant contenté plus d’un. Le challenge évoqué par Kool Shen était peut-être là.